Rencontre

Des trains se croisent sans se heurter, sans provoquer de catastrophe. Ils s’approchent l’un de l’autre. L’air claque de leur vitesse additionnée au moment où ils se frôlent, puis l’espace croit à nouveau entre eux, l’espace s’ouvre, englobe les gares, les tunnels, les prairies et, si la notion est maintenue, l’univers tout entier. Rêvant, considérant la courbure de l’espace, on pourrait imaginer une autre rencontre, tout ce qui s’éloigne finissant par se rapprocher, mais l’éternel retour entrant en jeu, la scène se reproduirait à l’identique. C’est sans compter que les trains s’arrêtent, sans compter la vie des gares, l’usure mécanique, les déraillements, sans compte le sillage de la mélancolie – le paysage entrevu et de suite rejeté, étiré, l’immobilité du corps guignant le défilement du monde  – et l’uchronie réalisée: tu es monté dans l’autre voiture, tu es descendu dans cette gare accueillante, inconnue.