Catégorie : Onzains

onzain #39

le nuage n’est pas au poète

le nuage n’est pas poème

le nuage par ton regard

le nuage passé dans l’image

le nuage où vivre le lieu

le nuage matin sans fin

le nuage libre dans le carré

le nuage et il y a centre

le nuage rose à mon songe

la limite du nuage n’est pas

le nuage dans notre bleu

onzain #38

je t’aime de mots secs et bêtes

je t’aime comme de la falaise

je t’aime et il n’y a pas de musique

je t’aime sans sortir de l’hiver

je t’aime et aimer est aride vaste

je t’aime sans plus de remède

je t’aime dans le pauvre du gris

je t’aime près de cette table nue

je t’aime cela se dit en brisées

je t’aime sans pluie ni joie

je t’aime sans cesse presque

onzain #37

le mur change le temps en ton miroir

la nuit change le temps en un profond sans bord

la paresse change le temps autour de toi tombe

l’aube change le temps l’or l’œil la fin

l’âge change le temps vers une plaine âcre et précieuse

le galet change le temps jusqu’au doux

l’image change le temps en une forme folle

la fourchette change le temps de la peur

le dé change le temps selon chaque enfance

la grille change le temps pour les maitres

tu changes le temps lettre unique et triple

onzain #36

est-ce que nous verrons le jour

est-ce que nous ferons le jour

est-ce que nous verrons un jour

est-ce que nous ferons un jour

est-ce que nous serons au jour

est-ce que les jours nous seront

est-ce que les jours nous feront

est-ce que nous nous ferons un jour

est-ce que nous serons le jour

est-ce que nous serons un jour

est-ce que nous nous verrons un jour

onzain #35

une bonne journée ce serait un étang vert calme et du bleu

une bonne journée ce serait un miroir humble

une bonne journée serait courte avec cinq saisons nettes

une bonne journée ce serait une peau impavide

une bonne journée ce serait le conditionnel dans ta cage

une bonne journée ce serait du ciel dans la grotte

une bonne journée ce serait cendres donnant lumière

une bonne journée ne dirait rien contre le silence

une bonne journée laisserait un chiffre sans écho

une bonne journée un fruit posé faisant de la table un autel

une bonne journée c’était un pli dans le temps à venir

onzain #34

Il neige sur le Bosphore.

Il neige entre les rideaux de la chambre où tu es nue.

Il neige librement dans la nuit.

Il neige à la dernière page d’un livre aimé.

Il neige à l’Est.

Il neige pour l’enfance.

Il neige sous le ciel disparu.

Il neige dans chaque page du poème du vieil homme.

Il neige dans le temps éparpillé.

Il neige sur l’ornière.

Il neige dans le nuage de cette phrase.

onzain #33

est-ce que j’aime autre chose que l’escalier ?

est-ce que j’aime autre chose que la splendeur en double ?

est-ce que j’aime autre chose que des points ?

est-ce que j’aime autre chose que le mot dans l’amour ?

est-ce que j’aime du temps autre chose que la plaine ?

est-ce j’aime autre chose que toi pli ?

est-ce que j’aime autre chose de la nuit qu’être seul ?

est-ce que j’ai aimé autre chose que des lettres une à une ?

est-ce que j’aimerais enfin au fond ?

est-ce que j’aime autre chose que la coriandre ?

est-ce que j’aime autre chose que la question ?

onzain #32

tout le monde ressemble à un point noir

tout le monde ressemble au chien perdu

tout le monde ressemble à un parapluie jaune

tout le monde ressemble à quelqu’un

tout le monde ressemble à l’unique au sale

tout le monde ressemble à une carte postale

tout le monde ressemble au doute à l’aube

tout le monde ressemble à ton doigt petit

tout le monde ressemble à tout le monde

tout le monde ressemble à un souvenir faux

tout le monde ressemble à une différence

onzain #31

dans les mots comme dans une boîte

dans les mots comme entre entrée entrez

dans les mots comme sur la métaphore

dans les mots comme sans la plaine

dans les mots comme hors ligne

dans les mots comme sous la glace

dans les mots comme aux chiottes

dans les mots comme temps au revers

dans les mots comme au bord d’une grille

dans les mots comme fond de parking

dans les mots comme demain nu

onzain #30

chaque fois que je lis segalen, il me semble entrer dans un coffre-fort du temps

chaque fois que je lis dante, il me semble découvrir une nouvelle vallée

chaque fois que je lis kafka, il me semble être un frère

chaque fois que je lis bataille, il me semble soulever une jupe

chaque fois que je lis montale, il me semble que le miroir ne ment plus

chaque fois que je lis paulhan, il me semble que le simple est l’avers du mystère

chaque fois que je lis beckett, il me semble laisser le bagage

chaque fois que je lis lautréamont, il me semble être la cervelle du jaguar

chaque fois que je lis ponge, il me semble que les mots se détachent

chaque fois que je lis duras, il me semble monter dans l’enfance

chaque fois que je lis chazal, il me semble que la couleur est eau de vie