#2323

– Tes mains puent le foutre des autres.

– Tes mains puent sur la table. Elle oublie, elle attend, elle supporte. Tout passe pour elle et d’abord les mains qui se posent sur elle, qui donnent à son assise ce qui pèse ou peu, car elle s’appuie sur cette portion de ciel qui est au-dessus d’elle.

– Tes mains puent toujours, elle me disait, et mes mains trop grandes, trop lourdes, les doigts fondus les uns dans les autres, je ne savais qu’en faire dans l’appartement étréci, aucun objet n’était fait pour elles, trop légers, trop de replis pour la peau durcie.

– Tes mains puent à force de me toucher, de suivre plaines crispées, champs de peur, sillons de douleur, plis de l’âge, de tourner, de pincer, de tirer.

– Tes mains puent sur mes seins, ils deviennent plâtre, par des veines inconnues, la rigidité entre en moi, je me fige, il y a une seule image qui ne bougera plus.

– Tes mains puent, elles tombent au bout de tes bras, elles les tirent vers quoi, la terre, la tombe, tu ne fais que tomber, tu n’es plus qu’en bas, ton souvenir, c’est ce qui pue, qui te précède quand tu entres, qui reste là après ton départ, la fuite, ce qui sera après toi, pas d’image, pas de voix revenant, tu es la seule odeur dont je me souviendrai.

– Tes mains puent d’être trop fines, trop blanches, trop froides, trop lisses, trop molles, trop lentes, trop douces.

– Tes mains puent si tu touches le bouton de la porte, tes mains puent si tu pousses la fenêtre, tes mains puent si tu donnes la lumière, tes mains puent si tu suscites l’étincelle du briquet, tes mains puent si tu écartes les pages d’un livre, tes mains puent si tu empoignes ce qui pique et coupe, tes mains puent si elles brisent le pain, tes mains puent sur le lacet dénoué, tes mains puent plongeant dans l’eau, toute eau, tes mains puent sur le plat, tes mains puent sur le drap, tes mains puent sur les coudes, tes mains puent sur ma bouche, tes mains puent sur mon cou.

– Tes mains puaient encore dans le soir doucereux.