Rien ne s’accorde au rectangle. Seul, il restera ignoré par toutes les familles de courbes. La chambre est sans fond, sans couleur. Tout est centre pour l’attente et le regard. Il n’y aura pas d’étreinte tant que le temps sera là. Grain de la lumière et de la peau : nul horizon. Le doigt enjoint les lèvres de se serrer. Où serait la voix ?
Tu pourrais être ligne, fleur, sœur au soleil de la mer. Tu es dedans, loin de la couleur. Ce n’est pas l’éventail mais la meurtrière. Ce qui ne manque pas ce sont les minutes : elles sont lourdes, elle lestent, elles sont sans fatigue. Toi seule pour dire leur forme. Tu te tends, tu t’avances, tu te déploies en trompant l’immobilité. Il n’y a point d’ornement : seul ton cœur.
Savoir être dans le lointain, le déjà. Le regard n’a plus à se soulever, à faire flèche, il s’abandonne à une paresse myope, il s’élargit. Les idées d’horizon et de mur sont inutiles, se perdent, et bien d’autres. L’imparfait s’est imposé, repoussant le récit. La pensée est étrangère, extérieure, brume. Le mot de voyage n’a pas été prononcé. Le tien est secret au silence.
Il aura fallu beaucoup de nuit pour arriver, s’astreindre à dire ici sans souci de murs, écarter le mot de secret et accueillir sans se redresser celui de trésor. Susciter est superflu, compter est dédié aux formes qui sont elles-mêmes nombre, la spirale est une idée qui pourrait presque suffire à dire tout l’espace, si ce n’était le rêve.
Comment sais-tu que c’est une île, si tu n’en n’as pas fait le tour. Il disait cela,sa première phrase au matin alors que j’étais assis, lui debout, le soleil dans le dos, en face de moi. Il faudrait en faire le tour en une seule fois, ajoute-t-il. Je hasarde : sans rencontrer la nuit. Il hésite, il acquiesce. Il baisse la tête pour la relever et brièvement sourire. Il court, il ne peut que courir, tout de suite au-delà de la terrasse, buissons, le pli de l’herbe, le vallon. Quand il revient, je suis assis, je n’ai pas bougé, le soleil s’est élevé, des gouttes de sueur sur son front : les compter, ce serait savoir le nombre de ses années. Ses traits sont nets. Il raconte. Il y a encore une mare, une seule, la dernière. Elle sera bientôt flaque, de la taille d’un chien, d’une main. Il a encore vu le ciel à ses pieds, cerné par la terre sèche. Il dit, comment savoir si l’île est de terre ou de mer.