Daniele Del Giudice – L’oreille absolue

« Voyez-vous, dit l’homme qui était assis en face de moi dans le train, je ne m’occupe que de poussière, rien d’autre que de poussière », et il le dit avec une nostalgie feinte. Son regret de ne pas s’être occupé de choses plus consistantes suggérait, en réalité, que l’univers de la poussière, auquel je ne connaissais vraiment rien, était un univers riche et bigarré. « J’imagine que la poussière, pour vous, n’est qu’une gêne, un laisser-aller et un vieillissement du monde ; mais en fait, elle est pleine de nouveautés. » Nous étions seuls dans le compartiment, la campagne écossaise s’était depuis peu éteinte dans la nuit, la fenêtre reflétait nos profils et nous avions déjà fait tout ce que l’on peut faire au cours d’un voyage en train : nous avions lu, sommeillé, fait connaissance, commenté banalement le temps et le paysage, et nous parlions maintenant de la poussière. Ou plutôt, il parlait, et moi, j’écoutais : « Une bonne partie de la poussière arrive de l’espace, c’est de la poussière cosmique, des grains infinitésimaux de comètes et de météorites qui retombent sur la Terre, c’est pourquoi le poids de la planète augmente chaque année, chaque année la Terre pèse dix mille tonnes de plus, dix mille tonnes de poussière. Mais cette poussière-là est noble, c’est du moins la partie noble de ma profession et, de temps en temps, nous nous retrouvons à Édimbourg entre nous, tous ceux qui exercent la même profession, et nous parlons pendant quelques jours des nouveautés que la poussière a apportées, comme si une voix du cosmos lançait des informations à travers un souffle de poussière. »
Je me sentais mal à l’aise, non en raison de la poussière qui, à cette heure-là, m’aurait passionné comme n’importe quel autre sujet de conversation, mais plutôt à cause du visage de cet homme ; étant jeune, je croyais que de tels visages disparaîtraient, ils appartenaient à ce qui était avant moi et chaque époque avait droit à ses propres visages, mais, en vieillissant, je découvrais que des visages se répétaient à des dizaines d’années de distance, sans souci des changements, et le sien était l’un d’eux, biologiquement élaboré selon un ordre passé. Mais le hic, ce n’était pas son visage, c’était le mien : j’aurais préféré qu’il ne s’y arrêtât pas, qu’il ne pût en aucune manière s’en souvenir, et c’était ce sentiment nouveau, dont je ne connaissais pas la raison, qui me mettait mal à l’aise.
« Il existe évidemment une poussière moins noble, et une partie moins noble de ma profession. C’est la poussière qui se pelotonne sous les lits, derrière les armoires, le long des saillies des murs. La poussière des maisons est plus difficilement déchiffrable parce qu’elle est plus multiforme, mais elle en contient des informations ! des informations sur ceux qui y habitent ; aussi uniques que des empreintes digitales. »
Notre train en croisa un autre, le courant d’air provoqua en chacun de nous un tressaillement que chacun retint à sa manière, puis il reprit : » Beaucoup de poussières n’appartiennent pas à la maison, elles viennent de volcans en éruption ou de forêts qui brûlent sur d’autres continents, c’est le vent qui les apporte, mais pour le reste, c’est nous qui la produisons, vous et moi, et tous les autres, nous fabriquons des milliers de tonnes de poussière, et moi, je m’occupe aussi de celle-là, chaque flocon, chaque mouton est différent d’un autre, cela dépend des habitudes des maîtres de maison, il suffit de savoir la lire, la poussière ; quand elle est agrandie des milliers de fois, elle se présente comme une forêt avec des troncs, des lianes et des rochers, et des myriades d’animaux. C’est le monde des acariens, ils vivent là par millions, sans yeux, avec leurs petites pattes acérées, le tronc et la tête forment un seul bloc. Ils restent là, dans l’attente des écailles de notre peau. »
À propos de la poussière, si je devais vraiment me pencher sur la question, je me souvenais du plaisir que je ressentais quand je l’engloutissais avec l’embout de l’aspirateur, en ouvrant un sillon de propreté dans les tapis, comme un labour dans un champ, c’était une véritable résurrection des poils, et je ne dis pas que cette résurrection de la maison, en éliminant la poussière, était une résurrection pour moi aussi, mais j’en tirais une certaine tranquillité. J’essayai d’en parler à mon compagnon de voyage, il répondit ironiquement : « Je sais, vous avez tous la manie du nettoyage des maisons, vous n’arrêtez pas d’épousseter et d’astiquer, vous, les Italiens, plus que les autres. Ne pourriez-vous pas vous tranquilliser d’une autre manière ? Heureusement on ne détruit pas la poussière, on ne fait que la déplacer avec des instruments aussi ingénus que le vôtre, et dès qu’elle est sortie de la maison ou du camion qui la décharge quelque part, elle se remet à circuler. Croyez-moi, on ne se libère jamais de la poussière. »
Je ne pouvais certes pas lui expliquer que le sentiment de quiétude auquel je faisais allusion se rapportait à il y a très longtemps, à certains matins de jours de fête où je rangeais et nettoyais, lorsque ma vie s’écoulait compacte et sans heurts, avant que ne s’ouvrent plusieurs trous, et que, ceux-là, je les connaissais bien ; mais depuis peu de temps il y avait une fissure gelée, un souffle d’une froideur vraiment glaciale que jamais auparavant je n’avais ressenti. C’est pourquoi, même si j’essayais de me rendre invisible ou, au moins, parfaitement oubliable par le chercheur en poussière (désormais je l’appelais ainsi), je m’accrochais pourtant à son discours parce que n’importe quel discours suit un fil — le sien, d’ailleurs, implacablement — et que n’importe quel fil me distrayait de ce que j’appréhendais.
« On ne se libère jamais des acariens, dit-il encore. Nos chambres à coucher sont propres et soignées, avec des matelas frais, des draps parfumés à la lavande, et pourtant, de toute manière, dans votre lit comme dans le mien, il y a environ deux millions d’acariens, vous ne les voyez pas et ils ne vous dérangent pas : ils mangent les squames de peau morte que vous laissez chaque soir, des milliers de petites écailles se détachent de vous et finissent dans l’estomac des acariens, puis elles en sortent, et vous pouvez les voir au cinéma, ce sont ces grains lumineux qui brillent dans le faisceau de lumière du projecteur, ou dans un mince rayon de soleil qui se glisse entre les persiennes de votre chambre, ces particules suspendues ne sont pas de la poussière, ce sont des excréments, votre peau qui a été digérée et libérée par ces petits animaux. »
Même sa façon de parler appartenait à ce que j’aurais pensé, dans ma jeunesse, être quelque chose d’avant moi, une façon d’assiéger et de forcer l’interlocuteur avec un raisonnement, sans pourtant y adhérer complètement, comme si les mots servaient à autre chose et qu’il existait un espace parallèle de curiosité et de connaissance, un espace silencieux, et que celui-là seul comptât. Avant de parler, il avait pris, en effet, beaucoup de temps, en regardant à la dérobée et en évaluant la situation, attendant que les deux femmes, la mère et la fille, fagotées dans des imperméables, qui étaient montées avec nous à Londres, descendissent à York ; il avait alors fait je ne sais plus quelle observation et j’avais répondu par une simple réplique. Plus la conversation était lancée, plus je cherchais à la rendre vide, en la réduisant, pour ce qui me concernait, à un unique périmètre fait d’acquiescements, de sourires, de silences.
Par la fenêtre, l’obscurité s’éclaira du reflet orange électrique de la ville, le train ralentit, nous allions entrer dans la Waverley Station, la gare d’Édimbourg. Il se leva avec un soupir, il ressemblait à quelqu’un qui a achevé quelque chose qu’il devait faire sans en être tout à fait satisfait, il enfila son pardessus et descendit sa valise.

«Vede, – disse l’uomo seduto di fronte a me nel treno, – io mi occupo di polvere, nient’altro che di polvere», e lo disse con una finta nostalgia di non essersi occupato di cose piú consistenti, in realtà lasciando intendere che la polvere era un universo ricco e variegato, del quale certamente io non sapevo nulla. «Immagino che per lei la polvere sia soltanto un fastidio, trascuratezza e invecchiamento del mondo, invece è piena di novità». Eravamo soli nello scompartimento, la campagna scozzese si era spenta da poco nella notte, il finestrino rifletteva i nostri profili e noi avevamo già fatto tutto quello che si può fare durante un viaggio in treno: letto, sonnecchiato, fatto conoscenza, commentato con banalità il tempo e il paesaggio, e ora parlavamo della polvere. O meglio, lui parlava, io ascoltavo: «C’è una buona parte di polvere che arriva dallo spazio, pulviscolo cosmico, infinitesimi granelli di comete e di meteoriti che ricadono sulla terra, cosí il pianeta aumenta di peso ogni anno, ogni anno la terra pesa diecimila tonnellate in piú, diecimila tonnellate di polvere. Ma questa è polvere nobile, o almeno la parte nobile del mio mestiere, e ogni tanto noi che facciamo questo mestiere ci ritroviamo a Edimburgo e per qualche giorno parliamo delle novità che la polvere ha portato, come se una voce dal cosmo lanciasse notizie attraverso un afflato di polvere».
Ero a disagio, non per la polvere che a quell’ora mi avrebbe appassionato come qualsiasi altro argomento, piuttosto per la faccia dell’uomo; quand’ero giovane credevo che facce cosí sarebbero scomparse, appartenevano al prima di me e ogni epoca aveva diritto alle sue facce, ma invecchiando scoprivo facce che si ripetevano a decine d’anni di distanza incuranti di ogni mutamento, e la sua era tra quelle, biologicamente lavorata secondo un ordine passato. Solo che il punto non era la sua faccia, era la mia: avrei preferito che lui non vi si soffermasse, che non potesse in alcun modo ricordarla, ed era questo sentimento nuovo, di cui non conoscevo la ragione, a mettermi a disagio.
«Naturalmente c’è una polvere meno nobile, e una parte meno nobile del mio mestiere. È la polvere che si aggomitola sotto i letti, dietro gli armadi, lungo le prominenze dei muri. La polvere delle case è piú difficile da decifrare perché piú multiforme, ma quante notizie ci sono lí, notizie di chi vi abita; inconfondibili come un’impronta digitale».
Il nostro treno ne incrociò un altro, il colpo d’aria provocò in noi un sussulto che ciascuno trattenne a proprio modo, lui riprese: «Molta polvere non appartiene alla casa, viene da vulcani che eruttano o foreste che bruciano in altri continenti, la porta il vento, ma il resto la produciamo noi, lei e io e tutti gli altri facciamo migliaia di tonnellate di polvere, e io mi occupo anche di questa, ogni fiocco lanuginoso è diverso da un altro, dipende dalle abitudini dei padroni di casa, basta saperla leggere la polvere, ingrandita migliaia di volte è come un bosco con tronchi liane e rocce, e una miriade di animali. È il mondo degli acari, vivono lí a milioni, senza occhi, con zampette acuminate, un unico blocco che forma il tronco e la testa. Se ne stanno lí, in attesa delle squame della nostra pelle».
Della polvere, se proprio dovevo pensarci, io ricordavo il piacere nell’inghiottirla col bocchettone dell’aspirapolvere aprendo un solco di pulito nei tappeti come un campo arato, vera e propria resurrezione del pelo, e quella resurrezione della casa dalla polvere non dico che fosse una resurrezione anche per me, ma ne ricavavo una certa quiete. Provai a parlarne al mio compagno di viaggio, lui rispose ironico: «Lo so, avete tutti la mania delle pulizie di casa, non fate che spolverare e tirare a lucido, voi italiani piú di tutti. Non potreste acquietarvi in un altro modo? Per fortuna la polvere non si distrugge, la si sposta soltanto con ingenui strumenti come il suo, e appena uscita dalla casa o dal camion che la scarica da qualche parte ritorna in circolo. Mi creda, della polvere non ci si libera mai».
Non potevo certo spiegargli che il senso di quiete cui accennavo si riferiva a molto tempo fa, a certe mattine dei giorni festivi in cui mettevo ordine e facevo pulizia, a quando la mia vita era ben filata e compatta, prima che si aprissero parecchi buchi, e questi li conoscevo; ma da poco c’era una fessura gelida, un soffio freddo di puro ghiaccio che mai avevo avvertito prima. Per questo, anche se cercavo di rendermi invisibile, o almeno ben dimenticabile presso lo studioso della polvere (cosí ormai lo chiamavo), pure mi aggrappavo al suo discorso perché qualunque discorso seguiva un filo – il suo, poi, in modo implacabile – e qualunque filo mi distraeva da ciò che temevo.
«Nemmeno dagli acari ci si libera, – disse ancora. – Le nostre camere da letto sono linde e curate, freschi i materassi, lenzuola alla lavanda, eppure nel suo letto come nel mio ci sono comunque un paio di milioni di acari, lei non li vede e loro non le danno disturbo, mangiano le squame di pelle morta che lei lascia ogni notte, migliaia di piccole squame si distaccano da lei e finiscono nello stomaco degli acari, e poi ne escono, e lei può vederle al cinema, sono quei granelli luminosi che brillano nel fascio di luce del proiettore, o in un sottile raggio di sole che sguscia dalle persiane della sua camera da letto, quelle particelle sospese non sono polvere, sono escrementi, la sua pelle digerita e liberata dagli animaletti».
Anche il suo modo di parlare apparteneva a ciò che da giovane avrei pensato come il prima di me, un modo assediante di stringere l’interlocutore con un argomento ma senza mai aderirvi completamente, come se le parole servissero ad altro e ci fosse uno spazio parallelo di curiosità e conoscenza, uno spazio silenzioso, e quello solo contasse. Per parlare, in effetti, ce ne aveva messo di tempo, sogguardando e valutando, aspettando che scendessero a York le due donne con impermeabile a fagotto, madre e figlia, che erano salite con noi a Londra; allora aveva fatto non so quale osservazione e io avevo risposto con una semplice battuta. Piú la conversazione s’avviava piú io cercavo di svuotarla, riducendola per quanto riguardava me al solo perimetro fatto di assensi, sorrisi, silenzi.
Nel finestrino il buio riverberò dell’arancio elettrico della città, il treno rallentò, stavamo entrando nella Waverley Station, la stazione di Edimburgo. Lui si alzò con un sospiro, sembrava uno che avesse terminato qualcosa che doveva fare senza esserne del tutto soddisfatto, s’infilò il cappotto e tirò giú la valigia.