#2243

#2239

l’homme ivre vraiment
est un homme il n’a rien
pour lui qu’un léger
balancement sa chute
est proche ses mots
même hurlés titubent
autour du sens il ne voit
rien de la beauté du monde
oui vraiment voici l’homme

Des symboles – Kafka

Nombre vont se plaignant que les paroles des sages ne soient jamais que des figures, inemployables dans la vie de tous les jours, la seule pourtant que nous ayons. Quand le sage nous dit : « Passe », il ne~Veut pas nous dire « Va de l’autre côté », ce qu’on pourrait faire à la rigueur si le résultat valait la route ; il veut parler de quelque au-delà légendaire, de quelque chose que nous ne connaissons pas et qu’il ne saurait désigner lui-même avec plus de précision, de quelque chose par conséquent qui ne saurait nous servir ici-bas.
Tous ces symboles reviennent à dire au fond que l’insaisissable ne saurait être saisi ; et nous le savions. Notre souci quotidien provient de choses bien différentes.
Sur quoi quelqu’un demandera :
– Pourquoi protestez-vous ? Si vous vous conformiez aux figures vous seriez vous-mêmes devenus figures, et par là libérés du souci quotidien.
Un autre dira :
– Je parie que c’est encore là une figure.
Le premier répondra :
– Tu as gagné.
Le second dira :
– Oui, mais hélas ! sur le seul plan du symbole.
Le premier :
– Non, en réalité ; symboliquement tu as perdu.

#2237

#2233

paroles bord c’est nuit
j’écoute pour perdre
l’été qui tombe
mort bel enlacé
l’autre rive m’est silence

dual #25

Photographie de Maud Bernière

Avec toi, j’aimais la géométrie. Soient : l’amour, la géométrie, toi, moi. En guise de table de poker, la lumière. C’est le temps qui donnait les cartes, la couleur absente comme des rêves. Il y avait une ville, dehors, mais seulement la chambre pour nous.
On retombe : le présent, sans feuille, sans mousse. Les visages sont des arcanes. Il n’y a que des lignes à jouer, se sachant perdus.

Samedi fasciste #11

les courbes sont sur tes images, les images sombres qui reviennent au jour, les images qui ne restent qu’en moi, les courbes de la lettre c et des ses mots, les images sans visage de toi, pensée nue sur le marbre sale

et le tournoi des nuages

friches plaques palissades
ciel hors de tout
(accumulation sans point d’âme)
là est scruté affleurant
le mot toujours

#2229

près du nom de rousseau couverture
ton genou dans le bleu clair du jean
loin je brûle de ce que j’ai vu
cœur c’est l’hiver le scintillement
prouve le plan de l’eau
la profondeur est ignorée  

Minutes de la multitude #44

Convoi d’immobilités. Les arrêts prolongés, répétés. Les voitures serrées avançant au pas sur la route parallèle. Les passagers figés dans le sommeil ou le regard à l’écran.

Le familier vire a l’étrange. Les choses vibrent et vacillent. Les couleurs sont rehaussées de jaune, acculées à la lumière. Mais c’est moi qui suis sur le point de m’effondrer.

Tu descends au terminus. Les rails finissent. La gare est à flanc de colline. Tu es vomi sur le bord de la ville.